Et si j’étais victime ?

Le terme « violence conjugale » est un grand mot qui ne semble pas correspondre à une bousculade, des insultes ou une gifle.

« Violence conjugale » peut renvoyer à une réalité abstraite, extérieure, qui ne nous paraît pas être la nôtre et celle de notre couple au quotidien. On peut se dire que ce qui se passe dans notre couple appartient à lui-seul, ne ressemble à aucune autre histoire. Pourtant, même si chaque histoire est différente, il est des signes qui ne trompent pas. Il y a des comportements, des mots, des gestes qui sont de la violence conjugale, qu’importe l’histoire de couple par ailleurs. Ces comportements sont punis par la loi. Il ne s’agit plus dès lors de la sphère privée et de l’histoire de notre couple ; la justice est en droit de s’en saisir et de nous protéger.

Si ce qui va suivre dans cet article résonne en vous ; si cela vous amène à vous poser des questions sur votre couple ; si vous sentez que quelque chose n’est pas normal… N’hésitez pas à nous appeler au 04-79-85-53-68 ou à appeler le 3919 (numéro national violences femmes info) : vous pourrez exposer ces doutes et une écoutante vous accompagnera dans votre réflexion.

Les phrases qui suivent évoquent des situations de violence conjugale, à différents degrés, à différents moments de la relation… Si vous vous reconnaissez à la lecture de l’une d’entre elles – a fortiori de plusieurs d’entre elles – vous subissez de la violence conjugale. Vous n’êtes à aucun moment responsable de ces situations.

Si vous le souhaitez, vous pouvez appeler le 04-79-85-53-68 ou le 3919 pour en discuter, pour éclaircir vos doutes, pour trouver des réponses. Ces appels sont gratuits, anonymes et confidentiels.

Les disputes et « scènes de ménage » sont normales dans un couple. Elles évacuent des tensions accumulées et permettent de les dépasser. Ce qui est différent ici est la manière d’évacuer les tensions. Au lieu de les gérer en s’appuyant sur un processus relationnel avec sa partenaire, le conjoint a besoin de rester dans une dynamique conjugale où il préserve son contrôle et sa puissance.

Le conflit de couple repose sur une égale liberté d’expression des deux conjoint-e-s et un enjeu de pouvoir sur la situation. Dans le cas de la violence conjugale, l’enjeu est en revanche celui du pouvoir sur l’autre. Vouloir contrôler et dominer l’autre est la limite entre conflit et violence.

La répétition et la récurrence de ces scènes où le ton monte, où les coups partent, où les reproches fusent, est une autre caractéristique centrale de la violence conjugale.

Dans le conflit, l’altérité s’exprime. Dans un cas de violence au contraire, l’autre est nié dans sa qualité de sujet. L’emprise prend le pas sur le relationnel.

Le conflit conjugal n’est pas censé inspirer la peur. Il peut inspirer la colère, la tristesse ou la frustration. On devrait pouvoir se sentir en confiance vis-à-vis de son partenaire pour exprimer ses désaccords et parvenir à une solution ensemble, même si cela prend du temps. On devrait se sentir respecté et écouté.

C’est toute la difficulté des violences conjugales : on les réduit souvent à des « histoires de couple » parce qu’elles interviennent dans la sphère privée. Néanmoins, elles ne doivent pourtant pas y être abandonnées. Pour mettre fin à ces situations, il faut au contraire sortir du privé : en parler, dénoncer, demander de l’aide.

La violence conjugale a été longtemps et est encore associée à l’image de la « femme battue », à l’image « choc » des blessures, des bleus et de la violence extrême. Si des femmes victimes vivent malheureusement cette réalité, ce n’est pas le cas de toutes. C’est pourquoi de nombreuses femmes ne se reconnaissent pas dans un statut de victime. Pourtant la violence conjugale n’est pas que physique. Il existe plusieurs types de violences :

  • Violence verbale : insultes, menaces, doute sur soi, angoisses, peur, intimidation
  • Violence économique : privation de ressources, obligation à l’endettement, comptes bancaires et aides sociales au nom du conjoint… dépossédant les victimes de toute autonomie financière
  • Violence psychologique : harcèlement, dénigrement, jalousie, dévalorisation, humiliation
  • Violence machiste : bonne à tout faire, exigences vestimentaires et esthétiques
  • Violence matérielle : objets cassés
  • Isolement : privation de déplacement, de papiers, séquestration, séparation de la famille et des ami.e.s, interdiction de sortie (loisirs, vie sociale)
  • Violence sexuelle : la plus cachée. Viol conjugal, agression sexuelle, harcèlement, prostitution
  • Chantage aux enfants : papiers, menaces d’enlèvement, dénigrement de la mère
  • Violence numérique : harcèlement par SMS, messages Facebook ou autres applications smartphone (Snapchat, Instagram, What’sapp), piratage des comptes Facebook ou autre, surveillance et contrôle grâce à la géolocalisation des smartphones, diffusion de photos ou vidéo intimes/à caractère sexuel sans consentement ou diffusion d’informations privées

Les violences psychologiques et physiques sont intimement liées. S’il peut y avoir violence psychologique, verbale, sexuelle etc. sans violence physique, l’inverse n’est pas vrai : tous les auteurs de violences physiques établissent d’abord une emprise psychologique.

En France, la loi vous protège contre la violence psychologique, verbale, sexuelle etc. de la part de votre conjoint ou de votre ex-conjoint. On peut porter plainte pour violences psychologiques ou violences verbales. La loi interdit toute forme de violence, qui plus est au sein du couple. Il n’existe pas de définition précise de la violence dans les textes de loi : il est plutôt fait mention d’« atteinte à l’intégrité de la personne ».

Une loi de 2010 créé une nouvelle infraction, le « harcèlement moral au sein du couple », valable pour le conjoint ou l’ex-conjoint (article 222-33-2-1 du code pénal). En fait, l’infraction existait déjà avant la loi de 2010 ; elle était sous-entendue dans la mention « atteinte à l’intégrité de la personne ». La loi de 2010 a été créée pour mettre fin à l’ambiguïté sur les différents types de violences et pour officialiser le fait que la violence psychologique ou verbale est pénalement répréhensible.

Certains comportements et mots violents peuvent paraître banalisés au sein du couple et minimisés à côté de la violence physique. Pourtant les conséquences sur la victime sont parfois bien plus dramatiques et durables.

La loi est claire : toute violence psychologique ou verbale doit être punie. Protégez-vous !