Le cycle de la violence

 

La violence au sein du couple se manifeste à travers plusieurs phases bien distinctes qui permettent à l’auteur des violences de maintenir une emprise sur sa conjointe. Ces phases forment un cycle qui se répète continuellement, que les professionnel-le-s nomment « le cycle de la violence ». Le couple entre alors dans une spirale dont les cycles sont de plus en plus rapprochés.

  • La tension monte
  • La violence explose
  • L’auteur se justifie / sa partenaire porte la responsabilité
  • L’auteur promet de ne plus recommencer / sa partenaire reprend espoir
  • L’accalmie ne dure pas et très vite la tension s’installe à nouveau

Cet enchaînement de plus en plus rapide des cycles créé de la confusion dans l’esprit de la victime des violences. La peur, l’attente, la sidération, l’espoir, l’amour, finissent par se confondre pour créer une situation d’emprise psychologique.

Plus le temps avance et plus les cycles s’enchaînent, plus la phase « lune de miel » a tendance à disparaître. Les épisodes de violence deviennent quotidiens et ordinaires.

 

 

 

Sortir de la spirale

Une fois cette dynamique installée, elle ne pourra pas s’arrêter toute seule. La séparation, le départ du domicile, la prise de distance, auront l’effet de rompre les cycles. Néanmoins, dans la plupart des cas, cela ne changera pas le lien à la violence qui s’est installé au sein du couple et qui continuera à s’exercer sous d’autres formes. C’est pourquoi il arrive que des femmes victimes retournent plusieurs fois au domicile et/ou retirent leur plainte : le lien n’est pas rompu.

Comment rompre définitivement cette spirale ? Il n’existe pas de réponse toute faite et chaque situation est différente. L’auteur des violences peut décider de se soigner. Attention néanmoins, cette démarche ne peut venir que de lui et de lui seul. Il doit prendre l’entière responsabilité de la violence et avoir conscientisé son rôle dans cette spirale. Nous rencontrons souvent des femmes victimes qui restent avec leur conjoint violent dans l’attente et l’espoir qu’il se soigne, tout en continuant à subir les violences. Cela ne leur appartient pourtant plus. Elles ne sont pas responsables ! Lui seul est responsable des violences.

Bien souvent, cela nécessitera l’intervention d’un tiers extérieur dans le lien de la violence. La police/gendarmerie, la justice pénale et/ou administrative, associations… Malgré le caractère intime et privé d’une relation de couple, la violence conjugale est punie par la loi. Le cadre conjugal est même considéré comme une circonstance aggravante pour les crimes (viol) et les délits (coups et blessures, harcèlement, menaces, séquestration, vol des documents essentiels tels que les papiers…).

 

Les cycles

Précisons ici encore que plus le temps passe, plus les cycles se rapprochent dans le temps et plus la phase « lune de miel » tend à s’effacer.

 

Phase n°1 – la tension / l’escalade

Au début de la relation, le couple va bien. Progressivement, une tension s’installe et des scènes de colère ou au contraire de silences menaçants se répètent. Des petits détails deviennent les déclencheurs : un objet mal rangé, quelques minutes de retard, un SMS de la part d’un-e ami-e, des moments passés sans lui… Ces réactions deviennent ordinaires et pour les éviter, la femme victime les devance. Elle se plie aux exigences de son conjoint, fait en sorte qu’il n’y ait plus de prétexte déclencheur de ces incidents, elle tente de faire baisser la tension. Celui-ci exprime sa frustration, sa déception et refuse souvent de communiquer ou de répondre aux inquiétudes de sa partenaire.

Même si cela pourrait en avoir l’air, ce ne sont pas des scènes de dispute ou des scènes de ménage. Les deux partenaires ne s’expriment pas d’égal à égal. La victime a peur, elle anticipe les comportements de son conjoint, elle s’efface. Lui exerce déjà un contrôle sur la vie du couple. Il ne s’agit pas de conflits ; c’est déjà de la violence conjugale par le fait même de la répétition des actes.

Attention : la montée des tensions est commune à tous les couples. Ce qui est différent ici est la manière d’évacuer les tensions. Au lieu de les gérer en s’appuyant sur un processus relationnel avec sa partenaire, le conjoint a besoin de rester dans une dynamique conjugale où il préserve son contrôle et sa puissance.

 

Phase n°2 – l’explosion / le passage à l’acte

Quelque soit la violence utilisée, cet épisode violent a lieu. Il peut s’agir de coups, d’attaques physiques, d’agression sexuelle, de viol, d’insultes, d’humiliation, de menaces avec armes. Il résulte d’une accumulation des tensions où le conjoint violent donne l’impression de finalement perdre le contrôle de lui-même, de ne pas pouvoir s’en empêcher. Sa partenaire est souvent anéantie, se sent démunie et ne comprend pas. Elle a peur de mourir et est en état de sidération.

 

Phase n°3 – le transfert de responsabilité / l’inversion de culpabilité

Le conjoint violent trouve des excuses pour faire passer cet épisode de violence comme une réaction normale et attendue face aux faux-pas de sa partenaire. « Si elle ne s’était pas habillée comme ça », « si elle ne lui avait pas caché cette information », « si elle n’avait pas l’air de prendre autant de plaisir en compagnie de quelqu’un d’autre », « si elle n’avait pas oublié de racheter tel aliment », « si elle ne parlait pas autant »… « S’il n’avait pas autant de boulot », « s’il n’était pas autant stressé », « si elle ne le rendait pas malade comme cela… ».

De son côté, elle intériorise ces responsabilités : « c’est vrai que je le connais bien, je n’aurais pas dû agir comme ça. Je sais qu’il n’aime pas, j’ai joué avec le feu, c’est de ma faute ». Elle devient alors responsable d’avoir été violentée. Elle n’aurait pas dû. Le couple retourne à une vie normale puisque « l’affaire est réglée ».

La crise n’étant pas encore passée, la victime a peur des représailles si elle porte plainte. Durant cet épisode, il est essentiel qu’elle soit accompagnée.

 

Phase n°4 – la lune de miel / le sursis amoureux

Après la crise, le conjoint observe la peur et la révolte de sa partenaire. Il a peur de la perdre et reprend le processus relationnel, se montre plus doux. Il exprime des regrets, tout en minimisant les faits et justifiant ses actes. Bien qu’il demande pardon, il n’endosse pas la totale responsabilité de sa violence. Il veut recommencer à zéro, fait des promesses (mariage, enfants, projets), redevient amoureux, fait des cadeaux, partage les tâches domestiques, s’occupe davantage des enfants. Il promet de se soigner, d’essayer d’aller mieux, de ne plus jamais recommencer.

La victime souffle enfin. Elle sort la tête de l’eau et sait que pendant cette courte période au moins, elle ne subira pas d’épisode violent. Elle a l’impression de retrouver l’homme qu’elle a aimé et se convainc qu’elle a raison de rester et d’espérer. Elle pardonne tout en exigeant qu’il change.

Plus l’emprise est forte, plus les épisodes de lune de miel raccourcissent. En effet, l’auteur finit par ne plus en avoir besoin pour maintenir sa victime dans la dépendance. Les effets de cette violence sur la santé de la victime, sur les aspects économiques et administratifs de sa vie, sur son estime d’elle-même, sont tels qu’elle se sent totalement piégée.

C’est pendant ces épisodes de lune de miel que la victime retire sa plainte, revient au domicile et rompt les relations avec ses proches. Parce qu’ils ne voient son couple qu’à travers le prisme de la violence, elle a le sentiment d’être jugée et incomprise. Selon elle, ils ne voient pas les aspects positifs et l’amour qui subsiste dans le couple. C’est pourquoi c’est souvent pendant cette période que les proches, les voisins, les collègues et les professionnel-le-s renoncent à intervenir, désarçonnés par le comportement incohérent de la victime.

Connaître ce cycle de la violence et les mécanismes de l’emprise permet ainsi de comprendre ces revirements de situation. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir à l’esprit qu’il ne faut surtout pas abandonner la victime à ce moment-là. Après la lune de miel, les épisodes de tension et de violence recommenceront. Elle aura alors besoin d’être de nouveau soutenue et accompagnée.

 

Si vous vous reconnaissez dans ces paragraphes ou si cela vous fait penser à l’histoire d’une amie / proche à vous, n’hésitez pas à nous appeler au 04-79-85-53-68 ou à appeler le 3919.